Loi Rebsamen, la réforme du dialogue social en entreprise

La loi n°2015-994 relative au dialogue social et à l’emploi, dite loi « Rebsamen, a été promulguée le 17 août 2015. A travers cette loi phare de la rentrée, l’ex-ministre du travail entend « ouvrir la voie à une rénovation en profondeur du dialogue social et œuvrer en faveur de l’emploi et de l’activité », avec pour principal objectif la simplification du dialogue social, notamment dans les TPE. Le Conseil Constitutionnel a légèrement modifié la version définitive de la loi, en supprimant l’article 45 qui devait permettre au Gouvernement de créer par voie d’ordonnance un organisme unique pour la collecte du « 1 % Logement ». Les autres mesures de la loi entreront en vigueur en 2016 ou après la publication des décrets d’application.

L'élargissement des DUP aux entreprises de moins de 300 salariés

L’article L. 2326-1 du Code du Travail permet désormais aux entreprises de moins de 300 salariés – et non plus 200 comme cela était le cas auparavant – de regrouper le comité d’entreprise (CE) et les délégués du personnel (DP) dans une seule et même instance, la délégation unique du personnel (DUP). La loi Rebsamen va encore plus loin en prévoyant la possibilité de fondre également le CHSCT à l’intérieur de la DUP. La durée du mandat des DP, des membres du CE et du CHSCT pourra être prorogée ou réduite dans la limite de deux ans, afin que leur échéance coïncide avec la date de mise en place de la délégation unique. Dans les faits, plusieurs milliers d’entreprises françaises pourraient être concernées par cette mesure.

Pour les entreprises comptant plus de 300 salariés, un accord majoritaire pourra également prévoir des regroupements d’IRP, avec plusieurs combinaisons possibles, sous réserve d’au moins une réunion tous les deux mois de la nouvelle instance (articles L. 2391-1 et suivants du Code du Travail). Par exemple, le CE pourra continuer de siéger seul, au côté d’une instance fusionnée DP/CHSCT. Aux termes du nouvel article L. 2392-1, l’accord devra définir le nombre d’élus titulaires et suppléants, lequel ne pourra être inférieur aux seuils fixés par décret en Conseil d’Etat en fonction des effectifs de l’entreprise.

A noter que l’article L. 2326-7 du Code du Travail prévoit une clause de retour à la situation antérieure. Ainsi, si l’employeur décide de ne pas renouveler la DUP à l’échéance de son mandat, après avoir recueilli l’avis de cette dernière, il devra procéder « sans délai » à l’organisation des traditionnelles élections DP, CE et CHSCT. Dans les entreprises de plus de 300 salariés, des élections devront également être mises en œuvre en cas de dénonciation de l’accord.

Quelles conséquences sur les moyens des IRP ?

Côté heures de délégation, les membres titulaires de la DUP disposeront du temps nécessaire à l’exercice des attributions dévolues aux DP, au CE et au CHSCT. Ce temps ne pourra excéder, sauf circonstances exceptionnelles, un nombre d’heures qui sera fixé par décret, en fonction des effectifs de l’entreprise et du nombre de représentants constituant la DUP.

Le nombre minimal de réunions de la DUP sera de six par an dans les entreprises de moins de 300 salariés et de douze dans les entreprises de plus de 300. A noter qu’au moins quatre de ces réunions seront consacrées en tout ou partie aux questions d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail.

→ A ce stade, plusieurs questions se posent : les élus disposeront-ils de suffisamment de temps pour traiter les sujets de chaque périmètre ? Seront-ils formés ? Qu’adviendra-t-il des budgets ?

Le groupement de 17 informations-consultations obligatoires en trois seulement

Afin de rationaliser les processus d’information-consultation, qui pouvaient parfois conduire à diluer l’information transmise au CE, le nouvel article L. 2323-6 du Code du Travail détermine trois catégories de consultations annuelles obligatoires :

• l’information-consultation sur les orientations stratégiques

qui inclura notamment la GPEC et les orientations de la formation professionnelle ;

• l’information-consultation sur la situation économique et financière

qui recouvrira également la politique de recherche et d’innovation, ainsi que l’utilisation du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) ;

• l’information-consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi

à savoir l’évolution de l’emploi, le programme pluriannuel de formation, l’apprentissage, l’accueil des stagiaires, la durée du travail et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

La création de commissions paritaires régionales pour les entreprises de moins de 11 salariés

La loi Rebsamen prévoit la création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour les salariés et les employeurs des entreprises de moins de 11 salariés relavant de branches professionnelles n’ayant pas mis en place de telles commissions. Ces nouvelles commissions seront composées de 20 membres (10 salariés et 10 employeurs), désignés pour quatre ans par les organisations syndicales et professionnelles, proportionnellement à leur audience respective dans la région. Les sièges seront attribués dans le respect de la parité hommes/femmes.

Les membres de la commission paritaire régionale interprofessionnelle disposeront d’un crédit de cinq heures de délégation par mois (hors temps de trajet). Les membres salariés auront le statut de salariés protégés : leur licenciement ne pourra intervenir qu’après autorisation de l’Inspection du Travail.

Les commissions paritaires régionales interprofessionnelles auront pour missions de :

  • donner aux salariés et aux employeurs toutes informations ou tous conseils utiles sur les dispositions légales ou conventionnelles applicables ;
  • apporter des informations, rendre tout avis utile sur des sujets d’emploi, de formation, de GPEC, de conditions de travail, de santé au travail, d’égalité professionnelle, de travail à temps partiel et de mixité des emplois ;
  • faciliter la résolution de conflits individuels ou collectifs ;
  • faire des propositions en matière d’activités sociales et culturelles.

En pratique, les membres de ces commissions auront accès aux locaux de l’entreprise, sur autorisation de l’employeur (article L. 23-113-2 du Code du Travail).

Dans son cortège de nouvelles mesures, la loi Rebsamen apporte d’autres nouveautés,

comme l’abaissement du seuil d’effectif à 1 000 salariés, à partir duquel la désignation de deux administrateurs salariés au Conseil d’Administration sera obligatoire, l’institution de la prime d’activité, qui se substituera à la prime pour l’emploi et au RSA-Activité, la création du compte personnel d’activité (CPA), afin de regrouper l’ensemble des droits sociaux du salarié (pénibilité, formation, etc.), la sécurisation du régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle ou encore la suppression du caractère obligatoire du CV anonyme.

Si l’objectif de la loi Rebsamen – simplifier le dialogue social – est louable, il n’en demeure pas moins que ce texte épaissit encore un peu plus un Code du Travail réputé de moins en moins lisible. Côté Organisations Syndicales, reste à savoir quel sera le degré d’acceptation des nouvelles dispositions prévues. Les Délégués Syndicaux permettront-ils les fusions d’instances au sein des DUP, alors que, dans les faits, les élus ont déjà du mal à traiter tous les sujets avec les moyens qui sont les leurs ?

Article de synthèse rédigé par Arthur GEORGES & Xavier COPPEE, Direction Générale AB Report