Les missions du CSE induites par la loi Climat et Résilience
6 Sep 2024
Le film Don’t look up : Déni cosmique, sorti sur la plateforme de vidéos à la demande Netflix le 24 décembre 2021, a généré récemment un buzz et relancé les débats sur la prise en compte déficiente des alertes scientifiques concernant le changement climatique par la sphère politique, les médias, le monde des affaires et l’opinion publique.
La Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dénommée aussi loi « Climat et Résilience », vient précisément apporter une réponse, que certains pourraient juger partielle, à ce grand défi planétaire. Cette loi a été portée par la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, et est issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, qui s’est réunie entre octobre 2019 et juin 2020, dans les locaux du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) par 150 citoyens tirés au sort. Les cinq titres de la loi, « consommer », « produire et travailler », « se déplacer », « se loger », et « se nourrir », cherchent à « faire entrer l’écologie dans la vie des Français », selon les termes de Barbara Pompili, et inscrire ainsi la problématique de la transition écologique dans tous les aspects de la vie quotidienne des citoyens.
La Loi Climat et Résilience apporte, entre autres, des modifications au dialogue social en entreprise, en quittant le compromis fordiste des trente glorieuses qui ignorait les externalités négatives de l’activité économique et ses pollutions et en inscrivant dans le Code du travail les impératifs de la transition écologique. Elle élargit la compétence générale du CSE qui doit désormais prendre en compte « les conséquences environnementales » des décisions patronales et être systématiquement « informé des conséquences environnementales » des consultations ponctuelles. En matière d’emploi et d’évolution des compétences, le CSE est chargé de trouver les bons équilibres entre la transition énergétique, l’économie et le social.
Du point de vue juridique, le chapitre II, « adapter l’emploi à la transition écologique », sous le titre II, « produire et travailler », comporte quatre dispositions essentielles relatives aux attributions et aux moyens du CSE :
L’article L2315-89 du Code du travail stipule : « La mission de l’expert-comptable porte sur tous les éléments d’ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la compréhension des comptes et à l’appréciation de la situation de l’entreprise ».
L’article L2315-91-1 du Code du travail stipule : « La mission de l’expert-comptable porte sur tous les éléments d’ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la compréhension de la politique sociale de l’entreprise, des conditions de travail et de l’emploi ».
Le CSE peut se saisir de la transition écologique pour résoudre des problèmes immédiats de terrain, comme le menu de la cantine ou la politique d’achat de consommables. Il peut revoir sa politique d’œuvres sociales et reconsidérer le choix de ses fournisseurs. Les voyages à longue distance pour une courte durée méritent d’être repensés. A ce propos, il est envisageable de constituer une commission RSE chargée d’aborder tous ces aspects.
En dehors de ces aspects, le gros morceau réside dans la question des emplois de demain, qui constitue un enjeu majeur de la transition écologique. Autour de 10 % des emplois pourraient être supprimés dans les dix prochaines années et 50 % pourraient être profondément transformés par une recomposition du tissu productif, liée à la fermeture de secteurs très émetteurs de gaz à effet de serre et le développement de secteurs peu émetteurs. L’ADEME, pour sa part, estime que ce sont 340 000 nouveaux emplois qui pourraient être créés grâce à la transition écologique en 2035 et 900 000 en 2050. En France en 2015, L’Institut Paris Région estimait que les secteurs d’activités de l’économie verte représentaient près de 4 millions d’emplois.
La transition écologique implique des réorientations sectorielles et une dynamique de « destruction créatrice » : les créations concernant principalement l’agriculture et les mobilités douces, tandis que des pertes substantielles pourrait toucher l’automobile. L’Institute for the Future estime quant à lui que 85 % des emplois de 2030 n’existent pas encore. L’impact précis sur l’emploi, la balance entre la destruction d’emplois dans des secteurs obsolètes et la création de nouveaux emplois, l’évolution des caractéristiques d’emplois restent ainsi très incertains. La mutation sera certainement très profonde et difficile, et touchera à la fois des salariés très qualifiés, qui devront faire évoluer leurs compétences, et des non qualifiés.
La Fabrique écologique considère que les premiers engagés dans ce tournant seront les gagnants de la transition écologique et de la recomposition du tissu productif. De plus, pour être le moins difficile possible, le processus doit s’étaler sur le temps long et donc être anticipé suffisamment à l’avance. A l’inverse, une restructuration qui interviendrait sur une simple base des évolutions prévisibles à moyen terme sans nécessité immédiate serait à coup sûr difficile à comprendre et à accepter par les salariés concernés. Le CSE doit se saisir des enjeux liés à la transition des emplois, en vue de protéger au mieux les salariés d’un processus de reconversion dont ils ne sont pas responsables, mais aussi en vue de les former au mieux aux nouveaux emplois.